A Bondy ,la mairie socialiste éprise de vues

Publié le par noureddine elkarati

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Depuis 2008, la commune de Seine-Saint-Denis a cédé à la mode de la vidéosurveillance, chère à Nicolas Sarkozy. Une mesure avant tout rassurante, faute de moyens de police suffisants.

Par THOMAS HOFNUNG

 

 

 

 

 

 

La caméra zoome sur le camion qui vient de se garer le long de l’esplanade de la gare de Bondy, en Seine-Saint-Denis. «Vous voyez, le bus est obligé de s’arrêter au milieu de la chaussée, c’est dangereux pour les passagers qui descendent sur la chaussée», dit cet employé du centre de surveillance urbaine (CSU) de la ville, en pointant un écran. Il saisit aussitôt son téléphone pour alerter les agents de la police municipale. Quelques minutes plus tard, deux d’entre eux apparaissent à l’écran près du camion, lequel ne va pas tarder à disparaître du champ de vision. Mission accomplie. Bondy, ville de 50 000 habitants dirigée par le socialiste Gilbert Roger, a cédé en 2008 aux sirènes de la vidéosurveillance, un secteur en pleine expansion, qui pèse près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires cette année. Plus de 2 000 communes sont dotées de systèmes de prises de vue et Nicolas Sarkozy veut tripler le nombre de caméras d’ici 2011.

«Par le toit». Cinq caméras ont été installées autour de la gare de Bondy. «C’est un lieu par lequel passent 20 000 personnes chaque jour, explique le maire. Il y avait beaucoup de vols à l’arraché, de la petite délinquance, des femmes ennuyées…» Sur place, les commerçants de la galerie marchande évoquent un léger mieux. «Auparavant, la gare était le point de rendez-vous des bandes, c’est moins le cas aujourd’hui», confie l’un d’entre eux. Qui précise, toutefois, que son commerce a été cambriolé il y a quinze jours. «Ils sont passés par le toit, les caméras n’ont rien vu.». A la gare de Bondy, le dispositif baptisé localement «vidéo-tranquillité» semble surtout avoir des vertus apaisantes.

Mais la municipalité le reconnaît : les chiffres de l’insécurité sont contrastés. Les vols avec effraction ont baissé, alors que les vols à la tire ont fortement augmenté en un an. Le maire en convient : «La vidéo n’empêche pas les agressions, mais elle peut aider à l’identification.» Au CSU, les policiers avouent n’avoir jamais assisté en direct, via leur écran, à une agression, hormis le vol d’un scooter, dont l’auteur a été interpellé. «La police nationale nous demande parfois de lui fournir des images enregistrées la nuit, dit un agent. Nous ne savons pas ce qu’elle en fait, mais cela doit être utile.»

Les images sont conservées durant une semaine, un délai qui pourrait être doublé d’ici peu, à la demande de la préfecture. Sur les cinq écrans du CSU, on distingue bien les visages des passants. Certaines vues sont barrées d’un bandeau noir pour masquer un pavillon privé situé sur le champ de la caméra. «Parfois, nous sommes sollicités par des particuliers qui voudraient que nous retrouvions un conducteur indélicat, raconte un agent. Bien entendu, nous n’avons pas le droit de le faire.» Toutefois, un certain flou juridique semble régner. Un autre membre des forces de l’ordre explique : «Si nous voyons un automobiliste déposer un sac de gravats n’importe où et que nous réussissons à identifier sa plaque d’immatriculation, nous le verbalisons.»

«Gaz lacrymo». Hormis les Verts, personne ne trouve rien à redire, à Bondy, à l’extension de la vidéosurveillance qui, autour de la gare, a coûté la bagatelle de 90 000 euros. Une dépense subventionnée à hauteur de 70% par l’Etat, qui milite ardemment pour le développement de la vidéosurveillance dans l’Hexagone. Tout en appelant au rétablissement de la police de proximité, supprimée en 2003 par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, la municipalité de Bondy doit tenir compte de la demande pressante de sécurité de ses administrés. Le long de la place Neuburger, pas moins de onze caméras sont en cours d’installation. Au fil des ans, cet îlot tranquille a été victime d’agressions à répétition. «Le 26 septembre, à l’ouverture de mon magasin, quatre types casqués sont entrés et m’ont aspergé de gaz lacrymo sans sommation, raconte le bijoutier Claude Mouilleseaux. Ils ont attaqué à la masse mes vitrines, avant de s’enfuir au bout de quelques minutes sur leurs scooters.» L’année précédente, il avait déjà été braqué. «Je suis écœuré et je songe à me tailler.» La «vidéo-tranquillité» ne le fera pas changer d’avis. «A quoi cela sert face à des jeunes cagoulés ?» Son collègue de la supérette voisine n’est guère plus convaincu : «De toute façon, ils s’adapteront, et cela ne fera que déplacer le problème ailleurs.» Les policiers le reconnaissent : «La vidéo est un outil qui ne remplace pas une présence policière sur le terrain.» Gilbert Roger dénonce l’attitude de l’Etat : «Le préfet fait des coups : lors du match entre l’Algérie et l’Egypte, un hélicoptère a survolé notre ville. Tout ça pour un match qui se déroulait à Khartoum !»

source :libération

Publié dans geographie

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