Banlieues. Des quartiers toujours sensibles

Publié le par noureddine elkarati

25 octobre 2009 -

Quatre ans ont passé depuis les émeutes de novembre 2005. La vague de violences née à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint- Denis) avait gagné de nombreuses villes françaises et révélé le délabrement social et économique de certains quartiers populaires. Depuis, rien n'a profondément changé.

En voulant échapper à une opération de police, le 27octobre 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré trouvaient la mort dans le transformateur EDF où ils s'étaient réfugiés. Ce drame avait déclenché des émeutes à Clichy-sous-Bois, avant de gagner la banlieue parisienne et de nombreuses villes de l'Hexagone. L'état d'urgence fut même décrété. Trois semaines de violences qui avaient entraîné près de 3.000 interpellations et environ 200millions d'euros de dégâts. Pour Véronique Le Goaziou, sociologue spécialiste des banlieues, «rien ne permet de penser que la situation s'est aujourd'hui améliorée. Les habitants des quartiers sont les premiers touchés par la crise. Et les rapports de la policie et des jeunes, qui depuis 2005 ont été à l'origine de nouvelles émeutes, ont, eux, empiré».

De timides avancées

«On peut tous féliciter Inès pour son courage. On est content de te revoir entière!». La conférence de rédaction du Bondy Blog, média en ligne créé au moment des émeutes de 2005, débute par des éloges teintés d'un brin de dérision. L'apprenti journaliste reçoit les congratulations de ses collègues pour son article dans lequel elle décrit avec humour le braquage, finalement sans incidences, dont elle a été victime quelques jours plus tôt à Bobigny. Depuis quatre ans, une vingtaine de blogueurs majoritairement originaires de Seine-Saint-Denis décrivent de l'intérieur la vie des quartiers populaires, de leurs quartiers. La délinquance, en forte augmentation dans le «9-3», selon l'Observatoire national de la délinquance, n'est qu'un sujet parmi d'autres. Pour Serge Michel, fondateur du blog, «les émeutes de 2005 ont eu comme effet positif de déboucher sur une véritable prise de conscience de la richesse de cette diversité française. Pour les profils les plus diplômés et performants des quartiers, les portes se sont vraiment ouvertes. C'est une première étape». Ainsi, TF1 a créé sa fondation pour «intégrer des jeunes issus de zones sensibles». De nombreuses entreprises éprouvant des difficultés de recrutement se tournent vers ce vivier. À travers une campagne de pub, BNP-Paribas se targue d'être le premier employeur privé en Seine-Saint-Denis, département symbole de cette diversité issue des quartiers.

«Ça a changé, mais en pire»

Des chiffres tempèrent pourtant cet optimisme. Avec 23,5% de la population active, le taux de chômage à Clichy-sous-Bois, épicentre des émeutes de 2005, est plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale. Ce taux grimpe à 40% pour les moins de 25 ans. Avec le plan Espoir banlieues, le «plan anti-glandouille» qu'elle a lancé en février2008, la secrétaire d'État à la Politique de la ville, Fadela Amara, promettait un véritable tournant. «Ça a changé, mais en pire», considère Mohamed Mechmach, président du collectif AC le Feu, fondé à Clichy-sous-Bois en novembre2005. «Les moyens donnés aux services publics, comme les missions locales, ont été réduits. Sa mesure phare, le contrat d'autonomie, est un échec. À peine 1.000 jeunes ont trouvé un job ou une formation. On paye des coaches 7.500euros par jeune quand le jeune est, lui, dédommagé à hauteur de 300euros».

«On n'est pas à l'abri»

Fadela Amara attribuait elle-même un timide 11sur 20 à l'application de son plan. Pour le militant de 41 ans, «la colère des habitants et le sentiment d'injustice sont les mêmes qu'en 2005. On n'est pas à l'abri d'une prochaine révolte». Un constat que partage Loïc Lecoulier. Dix-huit ans que le représentant du syndicat de police Alliance intervient dans les quartiers difficiles de Seine-Saint-Denis. «Des épisodes de violence, j'en ai connu beaucoup. Mais depuis 2005, l'hostilité des jeunes à notre égard a énormément augmenté». Pour le fonctionnaire de police, «des émeutes comme 2005, tant pour les hommes sur le terrain que pour notre hiérarchie, on sait que ça peut reprendre dès ce soir».

Glen Recourt

source :le telegrame.com

Publié dans histoire urbaine

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